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Beaucoup de CTOs et de tech leaders considèrent que le but d’une équipe engineering est simplement de livrer la roadmap produit. Cette vision est non seulement erronée, mais aussi dangereuse, car elle réduit l’engineering à un rôle de simple fournisseur (où product et business sont les « clients » internes), et donc à un poste de coût. Or, l’engineering peut et doit être un centre de profit, capable d’apporter directement de la valeur à l’entreprise, à condition que les tech leaders se concentrent sur leur véritable but.
Pour comprendre ce rôle, il faut repartir du but fondamental d’une entreprise qui est de générer du profit. Une entreprise peut avoir une vision, une ambition, une mission, mais son but reste de générer du profit... sinon elle est condamnée à mourir. Il y a deux leviers pour y parvenir : augmenter ses revenus et/ou réduire (ou maîtriser) ses coûts. Dans le cas d’un éditeur de logiciel, cela signifie acquérir de nouveaux clients (nouvelles fonctionnalités, scalabilité de l’infra), vendre davantage aux clients existants (extensions fonctionnelles, upsell)*, et réduire le churn (stabilité accrue, qualité de l’expérience). Du côté des coûts, l’enjeu est de produire plus de valeur avec autant de développeurs, plutôt que de multiplier les effectifs à l’infini**.
C’est dans ce contexte que l'on peut définir le but d’une équipe engineering :
En d’autres termes, la performance d’une équipe engineering repose sur trois piliers essentiels : Qualité, Vélocité, Valeur ajoutée.
Comment l’engineering impacte directement la profitabilité
En mettant en production des fonctionnalités de haute qualité, rapidement, et qui suscitent un engagement fort des utilisateurs, l'équipe engineering contribue directement aux deux leviers de la profitabilité : l’augmentation des revenus et la maîtrise des coûts.
- Augmenter les revenus grâce à de nouvelles fonctionnalités : chaque nouvelle fonctionnalité bien conçue et livrée à temps permet soit d’acquérir de nouveaux clients (ex. : une intégration manquante qui ouvre un segment de marché), soit d’augmenter l’ARPU via des ventes additionnelles aux clients existants.
- Réduire le churn en améliorant la qualité : une plateforme stable, performante et intuitive réduit la frustration des clients et augmente leur rétention. Or, dans un modèle SaaS, réduire le churn de 1 ou 2 points a souvent plus d’impact sur la profitabilité que de nouvelles ventes.
- Accélérer la vélocité pour créer un avantage compétitif : une équipe capable de livrer plus vite que ses concurrents réduit son Time to Market et capture des parts de marché avant les autres. Plus encore, cette vélocité permet d’expérimenter rapidement, d’ajuster la roadmap en fonction des retours, et donc d’augmenter la probabilité de créer des fonctionnalités qui rencontrent un vrai succès commercial.
- Maîtriser les coûts de développement : produire plus de valeur avec la même équipe, c’est générer de la croissance sans augmenter linéairement les effectifs. L’engineering devient alors un levier de marge : une meilleure productivité par développeur signifie que chaque euro investi en R&D rapporte plus.
En résumé : qualité, vélocité et engagement utilisateur ne sont pas que des métriques internes à l’équipe technique, ce sont des leviers directs de profitabilité pour l’entreprise. Et donc les bonnes « north stars » à utiliser pour fixer les objectifs pour l'équipe.
Sortir du piège de la roadmap
Beaucoup d’équipes engineering ne se fixent pas d’objectifs clairs. Elles pensent que les stories ou les tickets de la roadmap sont leurs objectifs. Cette confusion est problématique, car elle enferme l’engineering dans un rôle d’exécution : « livrer ce qui est demandé ». La roadmap devient alors une liste de courses, et l’équipe un simple fournisseur.
En réalité, la roadmap n’est pas un objectif : c’est le flux qui traverse le système. Les vraies métriques de performance d’une équipe engineering se situent ailleurs : dans sa capacité à produire de la qualité, à maintenir une vélocité élevée, et à générer de la valeur ajoutée pour les utilisateurs.
En se concentrant sur ces trois piliers, une équipe peut définir des objectifs décorrélés du contenu de la roadmap. Par exemple :
- améliorer le taux de couverture des tests automatisés pour renforcer la qualité,
- réduire le lead time de mise en production pour augmenter la vélocité,
- accroître le taux d’adoption des nouvelles fonctionnalités pour maximiser la valeur ajoutée.
Ces objectifs ne dépendent pas des features inscrites dans la roadmap : ils concernent la performance du système lui-même. Le rôle du CTO ou du tech leader devient alors celui d’un architecte de la performance, qui ajuste les paramètres du système pour que le flux de la roadmap passe plus vite, plus proprement et avec plus d’impact. En d’autres termes : la roadmap est le “quoi”, les trois piliers sont le “comment”. Et c’est en optimisant le “comment” que l’engineering cesse d’être perçu comme un centre de coûts pour devenir un moteur de valeur et de profit.
La valeur ajoutée : le pilier oublié de l’engineering
Si vous m'avez suivi jusqu'ici, j'imagine qu'un point doit vous embêter. Pourquoi est-ce que j'inclue la valeur ajoutée dans le but d'une équipe engineering, alors qu'elle est du ressort du produit. Pourtant, ignorer ce troisième pilier est une erreur stratégique.
D’abord, parce que livrer rapidement des fonctionnalités de haute qualité qui ne sont pas utilisées ne sert à rien. Cela ne contribue pas au but de l’entreprise (générer du profit) et renforce l’image d’une équipe engineering exécutante plutôt que contributrice à la valeur. Ensuite, parce que product et engineering ne sont pas deux camps opposés, mais une seule et même équipe. Objectiver les développeurs sur la valeur générée par les fonctionnalités qu’ils mettent en production « force » la coopération avec les product managers. Les développeurs ne travaillent plus uniquement à livrer du code, mais à livrer des fonctionnalités qui comptent, qui sont adoptées et qui ont un impact mesurable.
Ainsi, en intégrant la valeur ajoutée dans ses objectifs, l’engineering sort de la logique du fournisseur de tickets et devient un partenaire stratégique du produit, directement aligné avec le but de l’entreprise.
Redéfinir le but de l’engineering
Réduire l’engineering à l’exécution d’une roadmap, c’est passer à côté de son rôle stratégique. Une équipe engineering ne doit pas être vue comme un simple fournisseur de tickets ou un poste de coûts, mais comme un centre de profit capable de contribuer directement à la croissance de l’entreprise.
Son but est clair : mettre en production des fonctionnalités de qualité, rapidement, et qui génèrent un engagement fort des utilisateurs. Ce but s’appuie sur trois piliers — Qualité, Vélocité, Valeur ajoutée — qui forment une grille de lecture bien plus pertinente que la seule roadmap. La roadmap n’est qu’un flux ; ce qui compte, c’est la performance du système qui la fait passer.
Pour les CTOs et tech leaders, le rôle n’est donc pas de “livrer la roadmap”, mais de construire une organisation technique capable d’optimiser ces trois piliers dans la durée. C’est ainsi que l’engineering sort de la logique d’exécution pour devenir un véritable moteur de valeur et un levier de profitabilité.
* Elle peut également augmenter ses prix, mais c'est une action ponctuelle.
** Elle peut aussi baisser ses coûts d'infra, mais c'est une action ponctuelle.